Par Jules tusseau, Conseiller voyage chez Terra Andina Bolivie.
Les photos qui illustrent le récit sont biaisées.
Elles ont été prises à la redescente, puisque la montée se fait de nuit !
Topo de la Cabeza del Condoriri:
Topo de la Cabeza del Condoriri:
Avec mon grand pote d'ici, Benjamin, glaciologue pour l'IRD, l'Institut pour la Recherche et le Développement, nous nous sommes attelés à l'ascension de la Cabeza del Condoriri (la tête du Condor), surnommée ainsi par les boliviens aymaras en raison de sa forme. Ce sommet est l'un des plus beaux de la Cordillère Royale, et bien qu'il ne soit pas si haut (5,648m seulement...!) il est relativement technique.
Nous avons donc mis les
voiles de La Paz samedi vers 11h après avoir bien checké le matériel (si tu
oublies quelque chose, tu ne montes pas, ton matériel c'est ta vie). Après
3 heures de transport nous arrivons à Tuni, petit village de Cordillère situé à
4,400m d'altitude, plus de lamas que d'humains, point de départ de notre marche
d'approche.
Village de Tuni, sous la face Ouest du Huayna
Potosi
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Nous nous mettons en route pour 3 heures de marche à travers l'Altiplano, royaume des lagunes, des plaines peuplées de camélidés intrigués par notre présence, et des montagnes imposantes et majestueuses, intimidantes mais séduisantes.
Marche d'approche - Trekking en Cordillère Royale, Bolivie |
Marche d'approche - Trekking en Cordillère Royale, Bolivie |
Marche d'approche - Trekking en Cordillère Royale, Bolivie |
Marche d'approche - Trekking en Cordillère Royale, Bolivie |
Marche d'approche - Trekking en Cordillère Royale, Bolivie |
Nous atteignons notre
camp de base vers 17h, au bord de la Laguna Chiar Khota (4,700m), au pied de la
raison de notre venue, le Condoriri.
Laguna Chiar Khota - Cordillère Royale - Bolivie
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Nous montons la tente,
mangeons, et nous couchons vers 20h.
Campement trekking Condoriri Bolivie |
1h00, le réveil sonne. Il doit faire -10 degrés, la tente est congelée à cause de la condensation qui a gelé. Il faut se faire une violence bien particulière pour parvenir à sortir de son duvet chaud, avec comme motivation une ascension de nuit de près de 1000m de dénivelé, dans le froid et l'obscurité... Bref, on repousse le réveil!
1h30. Branle-bas de
combat. On s'équipe et on démarre. Nous partons à 2h15. On ne sait pas où on
va, en tout cas pas précisément.
3h30. Passage difficile
en roche (nous n’avons pas trouvé le chemin…). Besoin d'escalader. Ma lampe
frontale me lâche. Je suis furieux et inquiet. Les pierres ne tiennent pas,
l'impression que chacune peut lâcher à tout moment vous glace le sang. Benjamin
me rassure, et m'éclaire. Je parviens à passer le passage difficile. Nous
faisons une pause, mangeons une barre céréale, buvons un peu d'eau et mâchons
de la feuille de coca.
4h30. Après avoir évolué péniblement dans un pierrier sans fin, nous atteignons la neige. Nous faisons une pause pour nous équiper (piolet, crampons, baudrier, sangles, broche à glace, bloqueur, poulie...) et nous encorder. Nous remâchons de la coca. Je suis content d'être sur la neige, avec des crampons et un piolet vous vous sentez intouchable.
Nous attaquons le premier
couloir, finalement assez simple.
6h15. Nous arrivons enfin
sur le plateau. Les premières lumières du jour se font voir. J'ai
l'impression d'être dans le nid du condor, entre ses ailes, sa grande tête
me faisant face.
On commence petit à petit
à voir apparaître les reliefs, les couleurs, les formes. Le plateau est
gigantesque, on s'apercevra un peu plus haut qu'en contre bas se trouve une
lagune verte émeraude magnifique. Altitude: 5,100m. Nous faisons une pause.
Le bas du plateau avec la lagune émeraude
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7h30. Il fait jour. Notre traversée du plateau s'est
fait sous un ciel rose, rouge, jaune et violet. Nous atteignons le bas de la
tête et nous découvrons enfin LE couloir. Ce couloir est une goulotte de neige,
qui s'affine en montant, d'une soixantaine de mètres, à 70 degrés. A sa fin,
l'arrête finale, le but ultime, la récompense.
Le bas de la tête
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La goulotte |
La goulotte
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Nous l'entamons
tranquillement, la neige est dure, les crampons et le piolet prennent bien.
C'est physique mais plutôt divertissant. Aux deux tiers le couloir doit faire
1m20 de large.
10 mètres avant d'en
venir à bout, Benjamin me dit, "Ah ouais là c'est rock'n'roll". Je
ne comprends pas bien. Je ne vois pas bien comment la situation peut être
plus "rock'n'roll", je suis dans un couloir étroit d'un mètre
vingt, avec 50m de gaz dans le dos... le mur de neige se transforme en chute de
glace. Flippant! Nous n'avons qu'un seul piolet chacun, pas idéal pour ce genre
de passage. Benjamin passe tranquille. Je le suis, être sur la glace ne me
rassure pas trop. Je le fais savoir à Benj, qui, toujours aussi tranquillement,
plante une de ses broches à glace, y passe sa corde et m'assure. Je reprends
des couleurs et termine le couloir.
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8h20. Nous sommes sur la crête
finale. Il n'y a presque pas de vent, il fait un temps radieux.
Nous ne pensions pas
trouver une crête comme ça. D'un côté 600 mètres de vide, de l'autre peut être
300, parfois étroite de 60cm et qui monte assez fort avec une petite partie en
mix (neige et roche). Les sensations sont au rendez-vous. On est terriblement
tiraillé entre regarder ses pieds et rester concentrer et lever la tête pour
admirer ce paysage à couper le souffle. Nous restons concentrés.
Début de la crête |
Milieu de la crête, passage raide
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9h. Benjamin s'arrête, se retourne, Ouvre grand ses
bras (1m92 quand même le type) dans lesquels je me plonge en criant
"On l'a fait gros, on l'a fait". Nous sommes au bout de la crête,
à 5,648 mètres au-dessus du niveau de la mer. Nous ne pouvons aller ni plus
loin, ni plus haut. L'ascension est terminée. Nous avons réussi.
Fin de la crête
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Contents !
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Benjamin, assis sur l’extrême fin de la crête
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C'est difficile d'expliquer
où on trouve de la satisfaction à se faire mal (croyez moi c'est
dur!) comme ça. Enfin, monter une montagne, à pied, pour la redescendre, à pied, se fatiguer pendant 7 heures à atteindre un sommet sur lequel on ne reste finalement que 10 minutes parce qu'on se gèle, c'est quand même assez bête, en soi.
13h. Nous sommes redescendus. Nous avons descendu la
goulotte en rappel ainsi qu'une une autre partie où la neige était suffisamment dure et
la pente suffisamment raide sur les fesses (eh, faut aussi savoir se faire
plaisir!). Là l'ascension est terminée, vraiment.
Redescente en rappel |
Nous nous déshabillons,
sortons nos duvets de la tente humide à cause de la glace qui a fondu et nous
allongeons au soleil, heureux, épuisés.
Nous avons marché 11
heures au total, monté et descendu 948 mètres de dénivelé.
Après deux heures de
repos/sieste, nous déjeunons, rangeons tout le matériel, replions la tente et
levons le camp.
C'est très péniblement
que nous remarchons 3 heures de plus avec chacun 12 kg dans le dos pour rentrer
à Tuni où nous trouverons une mobilité pour rentrer chez nous (enfin... 4 au
total!).
Plus d'infos sur:
- Toutes nos randonnées, trekking et ascensions en Amérique du Sud sont sur le site thématique Terra Cordillera
- Nos expéditions trekking et andinisme en Bolivie
- L'Ascension du Condoriri
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