Par Sandrine Gallo, gérante de Terra Andina Peru
Tous les récits de voyages comportent leur lot d'anecdotes, la mienne se situe dès le premier jour. Jessica, la charmante hôtesse de la station-service, pensait sûrement à son amoureux en faisant le plein de mon véhicule. De l'essence au lieu du diesel ... Journée foutue, il faut démonter le réservoir, le vider et nettoyer tous les tuyaux qui mènent au moteur. En l’espace de quelques heures je suis devenue une vrai pro de la mécanique automobile ...
Le sympathique panier repas préparé par mon restaurant
fétiche d’Arequipa (le Zig Zag) rend l’attente « presque » agréable.
La fin de journée pointe son nez mais impossible de passer une seconde nuit
dans la ville blanche car le timing est trop serré. Je décide donc de prendre
la route, pour une arrivée tardive sur l’altiplano. Le plan campement tombe à l’eau,
je recherche donc un hôtel à Espinar ville minière situe à 4100 m d’altitude.
C'est bruyant, froid et moche, on reste donc
dans l’ambiance de début de journée : glauque !
Sûrement le prix à payer pour pouvoir découvrir le reste, la deuxième journée commence sur le même ton que la veille : au menu du petit déjeuner, soupe de tripes ou ... soupe de tripes ...
Je décide de faire l'impasse et j'entame à jeûn la
descente sur Tres Cañones.
C'est de toute beauté, j’en oublie mon ventre creux. Incroyable
Pérou, comment des paysages aussi grandioses peuvent-ils rester cachés du monde
? Sans parler des sites archéologiques bien préservés tels que Maria Fortaleza,
Maukallaqcta, K’anamarka : pas âme qui vive à l'horizon.
Sites archéologiques - Voyage au Pérou |
Il fait quand même assez froid pour passer une nuit sous
tente, je vois au loin un feu de cheminée, je tente ma chance. Genaro et son
épouse sont en pleine construction de chambres pour développer le tourisme
rural, ils ont tous les deux une grosse boule dans leur bouche et des dents
toute noires. Pas de panique, ce n’est pas «le retour des visiteurs». Bien que
peu esthétique, ce n’est qu’une coutume locale des paysans des Andes que de mastiquer des feuilles de coca qui se
transforment en boules gigantesques qui se coincent entre les gencives et les joues.
Hélas pas de place pour moi ce soir dans leur maison
inachevée, en revanche ils me disent que c’est DIEU qui m’envoie et nous
échangeons nos coordonnées pour un début de collaboration qui se saurait
d’ailleurs tarder.
Tourisme rural au Pérou |
Étape hôtel du soir la ville de Sicuani. Un poil plus
agréable qu’Espinar et une bonne pizza margarita pour clôturer cette journée
riche en émotions. Irait-on crescendo durant cette expérience de l’altiplano ?
Il semblerait que oui.
J’ai entendu parler il y a longtemps d’un canyon situé justement
entre Sicuani et Puno et répondant au nom de Tinajani, je me permets de
demander à mon chauffeur s'il est
d’accord pour faire un crochet par là : permission accordée si la route est
praticable, il a également entendu parler de ces curieux blocs de pierre et devient
presque aussi curieux que moi.
Arrive donc la deuxième claque : Tinajani ! Un
gigantesque ensemble de formations rocheuses tout droit sorti d’un western.
Il aurait fallu que je filme à 360 degrés pour que vous
puissiez vous rendre réellement compte de la grandeur de ces paysages. En
attendant que vous puissiez venir visiter ce petit paradis naturel, voici une
photo d’une des roches (le petit moucheron en bas, c’est moi !).
Je suis désormais à Puno, sur les bords du lac Titicaca. Je pars aujourd’hui pour une excursion de deux jours sur le lac navigable le plus haut du monde. En route je demande à Juanita, ma guide pour la journée, si on peut s’arrêter dans le village de Pomata pour visiter sa chapelle baroque aux inspirations métisses. "Si on n’est pas mardi, aucun problème" me répond-elle.
Cela attire mon attention car au Pérou le jour de
fermeture des églises est généralement le lundi, voire le samedi ou le dimanche
afin de respecter les heures de cultes.
Elle renchérit : "C’est fermé le mardi car
c’est le jour des sorcières et personne ne souhaite qu’elles rentrent dans nos
églises ! Donc on les ferme ce jour-là !"
La visite vaut vraiment la peine, c'est une splendide petite église.
L’intérieur est surprenant : anges exhibant leurs seins, portrait aux traits chinois
dans les bas-reliefs, dragons taillés dans la feuille d’or. J’ai dû louper un
épisode de la conquête espagnole…
Plus tard j’embarque sur un bateau à moteur depuis le petit quai de Punto
Hermosa, à la frontière bolivienne. Direction l’archipel d’Anapia, composé de
petites îles pour la plupart inhabitées (Anapia, Yupique, Iscaya, Ccaña,
Patahuata, Suana, Lluti).
L’ancien maire et actuel président de la communauté Aymara de Winaymarca,
el señor Jose Flores, vient m’accueillir avec sa barque et me conduit sur l’île
principale, je logerai chez lui pour ce court séjour. Nous sommes sur le sol
péruvien et pourtant … l’île respire la Bolivie, et en faisant ma petite
enquête rapide je me rends compte que tout est approvisionné depuis La Paz. Les
locaux ont pour la plupart la double nationalité. Une petite balade sur la
pointe de l’île au coucher du soleil me fait découvrir une chaîne montagneuse majestueuse
aux sommets enneigés, la Cordillère Royale de nos frères andins.
La journée est loin d’être finie. M’attend la réunion au sommet avec les membres de l’association du tourisme rural d’Anapia organisée en petits groupes de travail : 14 personnes pour les barques a moteurs, 10 pour les voiliers, 12 pour les maisons d’hôtes et 11 responsables de cuisine typiques. L’organisation est communautaire, chacun reçoit les touristes à tour de rôle, on ne choisit pas ses touristes et les touristes ne choisissent pas leur maison d’hôtes.
Il faut respecter l’ordre des tours. La réunion n’en finit plus, chacun
se lève pour se présenter, ils sont tous très timides, parlent doucement, je
comprends un mot sur deux mais je peux lire dans leurs yeux leur émotion en
présentant leur poste de travail, ils me remercient mille fois d’avoir fait le
déplacement depuis la Capitale.
Le lendemain, je me rends sur la seconde île qui est une réserve de
vigognes et où se trouvent la plupart des cultures des habitants d’Anapia,
champs de pommes de terres, fèves, et autres tubercules de la zone, sans
oublier les plantes qui ont toutes des vertus particulières, comme celle qui se
transforme entre mes mains en détergent naturel ou shampoing. Le déjeuner se
fera en plein air avec un plat typique des Andes la "huatia", où les
aliments sont cuits sous la terre. Le bateau me ramène ensuite sur la terre
ferme. Direction l’hôtel Titilaka, l’un des
plus beaux du Pérou, de par sa situation stratégique au bord du lac, et de par
sa décoration novo andine (il est classé en 2013 dans le prestigieux guide Relais & Châteaux).
Le périple touche presque à sa fin, il me reste encore une dernière
exploration, elle se trouve à 17 km de Puno en direction de la frontière chilienne.
Là encore, on m’a quelquefois parlé de ces tours funéraires mieux
conservées que celles de Sillustani, et surtout l’une d’entre-elles est de forme
rectangulaire alors que toutes les Chullpas sont de forme circulaire.
Jamais deux sans trois : encore une claque. Le site est merveilleux, rempli
d’histoire.
Tiens Teresa, ma guide du jour, m’informe qu’il y a, non loin d'ici,
des peintures rupestres et me demande si ça m’intéresse de les voir.
Devant mon sourire coquin elle me précise que "non non, ça n'a rien
d’exceptionnel Sandrine, elles n’ont que 8000 ans et avec l’humidité elles ont
du mal à se conserver".
Eh bien écoute, ce n'est pas grave, je prends quand même ! Grand
respect devant des dessins aussi anciens.
Le temps des au revoir à l’altiplano à sonné, je prends mon bus
heureuse de toutes ces belles choses
qu'il m'a été permis de découvrir et en même temps un sentiment de
frustration m’envahit. Pourquoi 95 % des touristes arrivant au Pérou souhaitent
tous visiter la même chose alors que notre pays regorge de trésors naturels,
culturels et ethniques ?!
S’il vous plait, pour les chanceux qui auront lu ces quelques lignes,
faites passer le message : le Machu Picchu est très certainement incontournable
mais vous ne connaîtrez pas le vrai Pérou si vous ne vous permettez pas un peu
d’originalité dans vos vacances ! Avis aux amateurs !
Visualisez ce voyage dans l'altiplano péruvien à l'aide de la carte ci-dessous:
Tourisme solidaire au Pérou |
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